CONTEXTE RÉGIONAL

Voilà à présent une décénie qu'aux Etats-Unis, et dans une moindre mesure au Canada, deux Ameriques, la conservatrice et la libérale,  s'affrontent sans merci. Si bien qu'au coté d'une nouvelle censure libérale woke, communément appelée cancel culture, et qui vise à protéger la sensibilité de différents groupes communautaires ou religieux minoritaires, au prix d'un renoncement à la liberté de créer et d'exposer, refait à présent surface l'ancienne censure conservatrice qui a le McCarthyisme pour ADN, dont on pensait qu'elle avait définitivement disparu, et qui n'est pas tres eloignée de la censure conservatrice d'Etat que l'on connait dans bon nombre de pays de l'ancien empire soviétique ou du Moyen Orient. Si la Cancel Culture vise par exemple à censurer des œuvres d'artistes blancs s'intéressant à des problématiques non blanches (les cas de censure ou tentatives de censure en 2020 des expositions Philip Guston aux Museum of Fine Arts Boston, Museum of Fine Arts Houston, National Gallery of Art de Washington et à la Tate de Londres en 2020 et 2021 et des expositions de Dana Schutz depuis sa participation à la Biennale du Witney de NYC en 2016 sont à ce titre particulièrement éclairants), ou des œuvres d'artistes héterosexuels traitant de problématiques LGBTQ+ etc, la censure conservatrice va chercher à interdire des œuvres d'artistes natifs de pays en conflict ouvert ou larvé avec les Etats-Unis (le cas des œuvres de Cai Guo-Qiang et Sandra Ramos, toutes deux bannies de l'exposition Illuminate Coral Gables de 2021 à Coral Gables, Greater Boston), ou abordant des sujets tabous chez les conservateurs : nudité, avortement, féminisme, environnement, transexualité etc. D'un camp à l'autre, les façons de procéder sont le plus souvent différentes : la cancel culture procède par un appel public à la censure de l'oeuvre et de l'artiste lui-même. On affiche publiquement que l'on souhaite l'interdire d'exposer de façon définitive, permanente, parfois pour une seule œuvre qui a déplu. Dans le camp conservateur les choses sont souvent plus sournoises et les motifs réels de l'interdiction d'exposer sont rarement assumés, mais les methodes employées n'en sont pas moins efficaces. 

 

CENSEURS : MUSEUM OF ART AND DESIGN, Miami Dade College, Floride, USA

Le cas de l'exposition True to Scale du collectif Forensic Architecture, prévue du 19 février au 29 septembre 2020 mais fermée dès le mois de mars 2020 est exemplaire car il met en lumières plusieurs aspects de ce retour à la censure conservatrice nord américaine et des lâchetés qui l'accompagnent le plus souvent : 

- Tout d'abord l'un des fondateurs et pilier du collectif Forensic Architecture n'a pas pu se rendre au vernissage de son exposition : il a appris le jour de son vol pour Miami que les Etats Unis lui avaient annulé son autorisation de séjourner aux USA, en expliquant ne pas en connaître la raison car c'est un algorythme qui en avait décidé ainsi.  (The Architect’s newspaper "l’officier m’informa que mon autorisation de voyager avait été révoquée parce que "l’algorithme" avait identifié une menace. Il dit ignorer ce qui a alarmé l’algorithme")

- Ensuite parce que un des volets du projet, qui devait être réalisé pendant le temps de l'exposition et porter sur un centre de rétention de mineurs migrants localisé à proximité, a été annulé officiellement du fait de la fermeture en mars du Musée pour cause de Covid, et pas parce que le sujet allait heurté publics et élus républicains de Floride. (Documents obtained by The New York Times under a Freedom of Information request, NY Times January 12, 2021)

- Ensuite parce que le musée a prétendu découvrir cette partie du programme après le vernissage et a rendu responsable de ce manque de transparence la curatrice de l'exposition, alors que l'ensemble du contenu de l'exposition avait été validé par les autorités supérieures du musée bien avant le vernissage. (Documents obtained by The New York Times under a Freedom of Information request)

- Enfin parce que la curatrice concernée n'a pas été reconduite, mais sans que ceux qui l'ont congédiée reconnaissent qu'il s'agit d'une sanction directement liée à la programmation de cette exposition. 

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AC, 11/18/2022