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Chacun s’accorde à dire que la diffusion de l’art contemporain est aujourd’hui globalisée. Pourtant, bien que la circulation des œuvres n’a jamais semblé aussi facile, on décèle un retour de la censure aussi bien dans les démocraties libérales que dans les régimes autoritaires. Les arguments ne se limitent plus aux critères esthétiques ou moraux, ils investissent désormais le champs élargi du politique et sont bien souvent à l’initiative de groupes de pressions dont la puissance a été décuplée par les réseaux sociaux.

De nombreux artistes et curateurs à travers le monde ne peuvent se résoudre au fatalisme et à l’invisibilisation d’artistes dont les œuvres agissent comme des lanceurs d’alerte. C’est pour lutter contre ce sourd et lancinant musellement des artistes que nous décernons le Prix Refusés International. Nous le faisons dans l'espoir de créer une indispensable prise de conscience de ce phénomène en expansion.

Chaque année, un jury international de professionnels de l’art contemporain élit une œuvre censurée pour chacune des 8 régions du monde, et une 9e, représentative de la censure sur les réseaux digitaux. Le lauréat du Prix Refusés International est ensuite choisi parmi ces 9 œuvres.

Ce nom de Refusés International fait bien sûr écho au Salon des Refusés de 1863. Ce symbole de la liberté de montrer, est à l'époque en France la réponse d'artistes peintres dont les œuvres avaient été rejetées du "Salon" par l'Académie des Beaux-Arts, les condamnant à l'invisibilité.

Qu'en est-il deux siècles plus tard de la liberté de produire des œuvres d'art ? Le constat est malheureusement sans appel : malgré son succès mondial, l'art contemporain n'en est pas moins toujours sujet à censure. Pire, cette censure, avec la montée en puissance de régimes populistes et dictatoriaux ou encore les dérives de la cancel culture, est tout sauf en perte de vitesse, à l'image de cette nouvelle vague d'intolérances qui semble toucher la planète entière.

Arnaud Cohen, plasticien et performeur franco-portugais dont le travail est depuis une dizaine d'années présenté à de nombreuses biennales (Venise, Bienalsur, Dak'art, Something Else Cairo, Kampala, Contextile, FITE) mais dont les œuvres n'en sont pas moins régulièrement censurées, à décidé de s'entourer d'amis, éminents curateurs et critiques d'art, pour dresser chaque année une cartographie de la censure aux quatre coins de monde. Or, d'une région à l'autre, cette censure s'exerce de manière sensiblement différente. Ici elle émane de l’État, là de pressions de lobbys identitaires ou religieux. Là encore des institutions se voient contraintes dans leur programmation par de puissants mécènes entrepreneuriaux qui veillent à protéger leurs marques de toute polémique et envisagent parfois les artistes comme des agents d'ambiance.

Choisissant de ne pas être exhaustifs, les membres de Refusés International ont donc décidé de présenter chaque année 9 œuvres, de 9 régions différentes du monde (dont le nouveau continent des réseaux digitaux), représentatives des différentes formes de la censure actuelle. L'une de ces 9 œuvres, suite à un vote des participants prévu en fin d'année, sera désignée comme Le Grand Prix Refusés International 2023 de la censure mondiale en matière d'art contemporain. Cette œuvre et les 8 autres choisies sont présentées en ligne sur ce site,  mais aussi dans les espaces d'exposition de Babel Mallorca, la résidence curatoriale baléarique que vient de créer Arnaud Cohen (www.babelmallorca.org).

Ces 9 œuvres présentées cette année ont été censurées entre septembre 2020 et septembre 2022, deux années au lieu d'une, du fait du contexte pandémique et des nombreuses annulations d'expositions qui l'ont accompagné.

 

Introduction au différents contextes par zone, le point de vue d'Arnaud Cohen

Il est dans de nombreux pays de plus en plus compliqué de démontrer la censure. Quand la censure se renforce, elle induit souvent une autocensure plus importante (Japon). Mais, et c'est hélas le plus courant à l'heure actuelle, la censure s'exerce à présent souvent très en amont du choix des œuvres par un contrôle politique des institutions. Le recrutement de fidèles du pouvoir aux postes de direction des lieux de monstration (Russie, Hongrie, Pologne, Turquie, Chine, etc.) permet de n'y présenter que les œuvres d'artistes soutenant le pouvoir en place. Les espaces d'expression artistique finissent alors par se limiter à la rue et aux réseaux sociaux avant parfois de s'éteindre totalement. Dans d'autres pays la censure, si elle est en légère voie de réduction, reste secondée là encore par l'habitude d'une très forte autocensure : artistes et curateurs n'osent pas tester les nouvelles limites du régime, si bien que les cas démontrables sont ici aussi presque introuvables (pays Arabes dans la zone l'influence des accords d'Abraham) et d'autant moins détectables qu'il y existe une véritable loi du silence.

Les cas les plus évidents (une œuvre déprogrammée ou décrochée du mur d'un musée) se trouvent donc essentiellement dans les démocraties libérales (USA, Europe de l'ouest, Israël), ou dans les territoires venant de basculer en dictature. Dans ce dernier registre les exemples les plus frappants ces toutes dernières années se trouvent à Hong Kong. Dans le cas des démocraties libérales, la censure et l'autocensure sont à présent le plus souvent le produit d'un lobbying communautaire, identitaire ou religieux sur les élus politiques, les dirigeants des institutions ou les artistes eux-mêmes.

Pratiquement dépourvue d'institutions publiques, la partie subsaharienne du continent africain est sans doute actuellement la région du monde la moins lisible en matière de censure. Dans un marché paradoxalement florissant, les artistes y doivent, pour assurer leur survie économique, composer avec les puissants mécènes régionaux tout en cherchant à satisfaire une demande occidentale souvent paternaliste. Sans parler de la violence politique et religieuse. Dans ces conditions, l'autocensure est le plus souvent la règle.

 

Refusés International, l'exposition

Les projets immatériels de Cohen tels que ArtSpeaksForItself, Babel Mallorca et à présent Refusés International sont autant d’œuvres d'art à part entière, porteuses de la même esthétique d'assemblage et de réemploi que les sculptures ou installations qu'il crée également par ailleurs. Le Prix Refusés International est donc disponible en tant qu’œuvre à exposer, avec son esthétique, ses visuels et les textes situant ces visuels dans leur environnement régional, sociologique culturel et géopolitique.

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