CONTEXTE RÉGIONAL

Les ingérences américaines et russes durant toute la période de la guerre froide et au delà ont contribué à polariser les pays qui composent l'Amérique latine. Les artistes s'y sentent, davantage que sur bien d'autres continents, une mission sociale de défense des droits du peuple et des minorités locales. Cette implication que l'on retrouve au cœur de leurs œuvres se heurte immanquablement aux pouvoirs en place, que ceux-ci se situent dans un héritage d'extrême droite comme d'extrême gauche. Ainsi par exemple au Brésil, au Museu de Arte de São Paulo, le cas récent des photos censurées des artistes João Zinclar, André Vilaron, et Edgar Kanaykõ défendant les populations amérindiennes. 

Ainsi à Cuba, de très nombreux artistes rendent visible à travers leur pratique artistique le manque de liberté dont souffre le peuple cubain, les discriminations dont y souffrent les afrodescendants ou les homosexuels. Ces artistes en payent le prix par une grande précarité financière (il n'y a pas de marché de l'art local, les artistes sont donc totalement dépendants du bon vouloir de l'état), un harcèlement policier, des détentions arbitraires et des condamnations à des peines de prison pour des motifs fantaisistes. Au bout du compte ces artistes sont sommés de choisir entre clandestinité, prison ou exil. 

 

CENSEURS : POLICE ET JUSTICE CUBAINES

Ainsi l'artiste Tania Bruguera a subi en décembre 2020 un interrogatoire de plusieurs heures alors que son œuvre Destierro était exposée au Museo de Arte Latinoamericano de Buenos Aires. Dans cette vidéo réalisée entre 1998 et 1999, Bruguera s'habille en fétiche d'inspiration congolaise pour déambuler dans les rues de La Havane le jour de l'anniversaire de Fidel. En agissant ainsi, elle rend visible la population historiquement la plus défavorisée de l'île, les Afro-descendants, que la révolution castriste n'a pas su ou pas voulu tirer de la misère.

L'artiste Hamlet Lavastida Cordobi qui retournait à Cuba le 21juillet 2021 à l'issue d'une résidence et d'une exposition au Künstlerhaus Bethanien à Berlin a été arrêté en pénétrant dans le centre de quarantaine obligatoire pour les personnes revenant de l'étranger. Pendant son séjour à Berlin, il présentait une série d'œuvres sur papier, dont l'une comportait une transcription de la confession de l'artiste cubain Javier Caso lors de son interrogatoire par les autorités l'année précédante. 

Ce même jour Tania Bruguera a subi un interrogatoire de 11 heures au cours duquel elle est menacée d'être incarcérer à la prison Villa Marista. Ces pratiques de harcèlements judiciaires et policiers ont vocation non seulement à emprisonner ceux dont la pratique artistique dérange le pouvoir, mais aussi de les pousser à un exil qui, en les coupant de la population locale et de ses préocupations quotidiennes, rendra leur pratique artistique moins dangereuse pour le pouvoir. 

Ainsi Tania Bruguera a finalement accepté en 2021 de quitter définitivement Cuba en échange de la libération de Hamlet Lavastida Cordobi et d'autres artistes. Elle vit, travaille et enseigne à présent aux Etats-Unis. 

​

AC, 11/18/2022