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Afrique subsaharienne

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TRACEY ROSE, Pickaminnie (Sue Williamson), 2008. Courtesy of the artist

CONTEXTE RÉGIONAL

Pratiquement dépourvue d'institutions publiques, l'Afrique subsaharienne est sans doute la région du monde la moins lisible en matière de censure. Dans un marché paradoxalement florissant, les artistes doivent, pour assurer leur survie, composer avec de puissants mécènes régionaux tout en cherchant à satisfaire une demande occidentale souvent paternaliste. Sans parler de la violence religieuse.

Si bien qu'il n'est pas rare de voir un galeriste refuser de continuer à représenter un artiste trop critique envers un pouvoir corrompu. Certaines foires spécialisées n'hésitent pas non plus à blacklister des artistes africains dont le travail est là encore trop critiques, et plus encore si l'artiste est blanc et que l'objet de ses critiques est un homme politique noir, ainsi le cas emblématique de d'artiste sudafricain Anton Kannemeyer que la presse spécialisée décrit depuis quelques années comme un pestiféré. Il arrive aussi qu'un centre d'art doive se défendre lui-même en s'armant jour et nuit contre une foule religieuse radicalisée voulant raser l'institution, sans que le pouvoir ne lève le petit doigt pour défendre une liberté de création physiquement mise en danger, ainsi les pressions et actes de violence bien documentés contre le Raw Material Art Center de Dakar de la part de la communauté islamiste et notamment de l'ONG islamique Jamra.

Dans ce contexte de peurs économique, sociale et parfois même physique, l'autocensure est naturellement le plus souvent la règle.

 

CENSEURS : SUE WIALLIAMSON

Le cas de PICKAMINNIE - Sue Williamson est particulièrement représentatif de ce climat de peur : il s'agit d'un cas d'une artiste femme sud-africaine et woke, Sue Williamson, tentant d'en censurer une autre, Tracey Rose. Pourquoi ? Selon Tracey Rose, artiste noire, Sue Williamson, artiste blanche agit par peur que l'œuvre concernée la dépeigne comme une appropriationiste blanche pratiquant le Black Face. Une telle perception par le public sudafricain pourrait en effet faire de cette apôtre de la dénonciation de l'apartheid une victime de la cancel culture.  

Le déroulement des faits :

Sue Williamson a écrit à Tracey Rose le 19 décembre 2019 (nous avons pu acceder à l'e-mail) : "Ne montrez ni ne vendez plus cette œuvre, ni ne l'incluez dans aucune publication ultérieure" (l'œuvre avait déjà été exposée à Art Basel Miami en 2014). Williamson avait pourtant collaboré à l'œuvre sous la direction de Tracey Roses, et en avait autorisé l'exposition et la vente, mais probablement sans en comprendre le sens et peut-être en ignorant son titre. Quoiqu'il en soit Tracey Rose a refusé de se censurer.

Plus tard, elle a voulu montrer ce travail au Zeitz Mocaa à l'occasion de sa rétrospective dans le celèbre musée sud africain. Celui-ci a soutenu sa décision même s'il semble que Willianson ait également demandé au musée de retirer l'œuvre de l'exposition (le musée ne confirmera ni ne démentira).

Le personnage PICKAMINNIE comme le décrit Tracey Rose, "est une écolière enceinte qui fait partie d'un groupe de personnages dysmorphiques qui sont les spectateurs de Plato's Cave dans une version étendue de The Cunt Show dans l'exposition Plantation Lullabies, le titre tiré de l'album de 1993 de Me'Shell NdegeOcello. Le personnage joué par Sue Williamson en blackface est PICKAMINNIE, une référence au nom désobligeant donné aux petits enfants noirs, et aux personnages racistes et suprémacistes blancs de Walt Disney, Minnie et Mickey Mouse. Le Cunt Show est une attaque cinglante contre le féminisme blanc, contre Elizabeth Sackler (de l'empire des opioïdes) et contre l'hypocrisie de l'exposition "Global Feminisms", exposition sponsorisée par le Elizabeth A. Sackler Center for Feminist Art qui a eu lieu au Brooklyn Museum et où The Cunt Show (le show de la connasse) a été créé sous le titre The Cant Show  (le show impossible) en 2017 à l'occasion de la conférence et du talk d'artistes qui s'y sont déroulés."

Expliquant son refus de détruire cette œuvre, Tracey Rose déclare : "Il y a toujours un bon nombre d'artistes sud-africains blancs qui ont utilisé et continuent à utiliser les corps, les visages et les histoires des Noirs dans leur art. À quel moment est-ce opportuniste, empathique ou sympathique ? Ils parlent du récit de l'oppression noire, mais ils ne désignent JAMAIS les oppresseurs blancs. Ce qui est vraiment étrange c'est qu'il leur soit plus facile de se complaire dans la description pornographique de la misère et de l'opression des noirs que de dénoncer l'environnement suprémaciste blanc dont ils font partie. Ils en profitent tous, ils vivent avec, mais ils n'en parlent jamais. Voilà le problème".

AC, 11/18/2022

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